Plastique et santé font-ils bon ménage ?

Par Chamss Bachiri
Modifié le
Lecture: 4 minutes
ID-10068518
© DepositPhotos

ID-10068518Sommes-nous esclaves du progrès au point de ne plus pouvoir nous passer de ses avancées et de lui sacrifier notre santé, voire notre survie ? C’est la question que pose la possible dangerosité du Bisphénol A et des phtalates pour notre santé.



La matière plastique, si bon marché, si légère, si pratique, a tellement révolutionné notre quotidien, nous a tant facilité la vie que nous avons du mal à imaginer nous en passer. Au détriment de notre santé, semble-il.

Le 10 novembre 2011, L’Académie de Médecine a publié un rapport sur les risques cancérigènes liés à la présence de polluants considérés comme « perturbateurs endocriniens ». Il s’agit, en particulier, des phtalates et du bisphénol A (BPA) contenus dans les plastiques et les pesticides. Or, ces substances chimiques, nous les retrouvons quotidiennement dans notre alimentation et notre environnement.

Le soir même du jour où l’Académie rendait son rapport, Envoyé Spécial, sur France 2, a proposé un sujet sur le rôle des perturbateurs endocriniens, en particulier le BPA et les phtalates, sur la puberté précoce des petites filles. Un nombre de plus en plus croissant de fillettes âgées de 6 à 8 ans, certaines même seulement âgées de 4 ans, seraient en effet atteintes de croissance mammaire précoce. Un dysfonctionnement qui provoquerait de surcroît, chez ces enfants, une interruption de croissance et des cancers précoces à l’âge adulte.

Une controverse qui ne date pas d’hier.

Pourtant, cela fait plus de 30 ans que des études révèlent une augmentation inquiétante des cancers de la prostate, des cancers du sein et des testicules dans la population mondiale. Le Bisphénol A et les phtalates seraient directement incriminés. Aux Etats-Unis, on a retrouvé du BPA dans les urines chez plus de 90 % des Américains. Le Canada a été le tout premier état à l’interdire, en 2009, dans la fabrication des biberons.

À la même époque, en France, quantité de tests ont été réalisés sur des rongeurs mais qui n’ont pas formellement prouvé, de l’avis des autorités, la dangerosité de ces substances. André Cicollela, président du Réseau Environnement Santé, a dénoncé le fait que les études sur lesquelles est fondée la dose journalière tolérable (DJT) ne prennent pas en compte les risques liés aux faibles doses de BPA.

L’Agence française de sécurité sanitaire (Afssa) qui concluait à l’innocuité de la molécule en 2008, a reconsidéré, en 2009, les résultats des études, jugeant qu’elles comportaient des erreurs méthodologiques : données en nombre insuffisant ou incluant trop peu de sujets, absence de groupe témoin, non prise en compte de l’exposition à d’autres perturbateurs endocriniens. Mais fin 2009, malgré les résultats, les effets néfastes sur la santé humaine n’étaient pas encore probants aux yeux de l’Agence.



Des solutions distillées au compte-goutte

Malgré tout, en juin 2010, le BPA est interdit dans la fabrication des biberons en France. Le 12 octobre 2011, l’Assemblée nationale vote l’interdiction de ce perturbateur endocrinien dans les contenants alimentaires. Cette mesure, qui doit encore être approuvée par le Sénat, devrait s’appliquer à partir de 2013 pour les contenants alimentaires destinés aux enfants de 0 à 3 ans.

Quant à L’Académie de Médecine, elle refuse, pour le moment, d’interdire BPA et phtalates « faute de solutions techniques de remplacement », justifie-t-elle. Des plastiques et des pesticides « verts » existent pourtant d’ores et déjà mais ne sont pas encore prêts à être commercialisés. Les industriels vont donc continuer à intoxiquer la population.
L’Académie note cependant un lien, chez les agriculteurs en particulier, entre l’utilisation de pesticides et le cancer de la prostate. Elle considère que la stratégie de détermination des DJA (doses journalières d’administration) nécessite d’être remise en question et préconise certaines mesures de précaution *.

Alors, devons-nous continuer à nous laisser intoxiquer jour après jour, par des doses infinitésimales qui s’additionnent les unes aux autres ?

Il suffirait sans doute, pour résoudre ce grave problème de santé publique, de faire pression sur les industriels. Les consommateurs pourraient décider de boycotter les produits contenant ces substances dangereuses. Adieu packs de bouteilles d’eau d’un litre et demi, adieu délicieux plats surgelés…!

Mais sommes-nous bien prêts ? Combien d’entre nous pourraient se passer des canettes, des bouteilles plastiques, des conserves, pour revenir aux bonnes vieilles bouteilles de verre ou aux bocaux d’antan ?

Marlène Eliazord – Lectrice intervenante

* « Interdire de chauffer directement les aliments dans les emballages plastiques » dans les collectivités (cantines, cliniques, etc. Ou encore « de stocker longtemps et à température élevée les eaux minérales dans les bouteilles plastiques libérant des phtalates ». Il faudrait également, selon l’institution de la rue Bonaparte, « conseiller aux caissières manipulant des tickets de caisse thermiques (qui contiennent du BPA) de porter des gants, surtout si elles sont enceintes » et éviter le recyclage des « emballages contenant BPA ou phtalates ». [Source : LeMonde.fr du10/11/11]

Source de l’image : Free digital photos