Plastique et santé font-ils bon ménage ?

Par Fabienne Rossignol
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Une bouteille d’eau posée sur votre bureau. Un plat réchauffé dans une barquette en plastique. Un jouet en plastique souple dans les mains d’un enfant. Et ce ticket de caisse froissé au fond de votre sac. Des gestes anodins, des objets banals… qui pourraient pourtant avoir un impact silencieux sur votre santé.

Depuis plusieurs années, la communauté scientifique s’alarme : le plastique ne serait pas aussi inoffensif qu’il en a l’air. À petites doses, de façon diffuse et continue, il libère dans nos corps des substances qui dérèglent nos hormones, notre fertilité, notre immunité. Le pire ? Nous y sommes toutes exposées, chaque jour, sans même le savoir. Et nos enfants encore plus.

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Pourquoi le plastique inquiète (vraiment) les scientifiques

Le plastique est une invention formidable… sur le papier. Léger, malléable, bon marché, il a conquis notre quotidien en un demi-siècle. Mais derrière cette success-story industrielle se cache une vérité plus sombre. De nombreuses études menées depuis les années 2000 pointent la responsabilité de certains composants chimiques du plastique dans des troubles de santé graves.

Ce que les experts redoutent, ce sont les perturbateurs endocriniens — ces molécules capables d’imiter ou de bloquer nos hormones naturelles. Présents dans certains plastiques, pesticides, cosmétiques ou textiles, ils dérèglent le système hormonal même à très faibles doses. Et ce n’est pas une théorie marginale : l’OMS, l’Inserm, l’ANSES ou encore la Commission européenne reconnaissent aujourd’hui le lien probable entre ces substances et une augmentation de certains cancers, troubles de la fertilité, pubertés précoces, diabètes ou troubles neurologiques.

Le problème, c’est qu’on ne parle pas d’une exposition ponctuelle, mais quotidienne et cumulative. Même en petite quantité, le contact répété à ces substances — par ingestion, inhalation ou simple contact cutané — finit par peser sur l’organisme. Et encore plus chez les enfants, les femmes enceintes ou les personnes immunodéprimées.

Les substances les plus problématiques : BPA, phtalates, microplastiques

Trois noms reviennent en boucle quand on parle de plastique et santé : le bisphénol A (BPA), les phtalates et les microplastiques.

Le BPA, longtemps utilisé pour rigidifier les plastiques (biberons, boîtes de conserve, bouteilles…), a été interdit en France dans les contenants alimentaires depuis 2015. Mais il est toujours présent dans certains pays et dans des produits non alimentaires comme les tickets de caisse. Son successeur, le bisphénol S (BPS), pourrait ne pas être beaucoup plus sûr.

Les phtalates, eux, sont des plastifiants. Ils rendent le plastique souple, notamment dans les jouets, les rideaux de douche, les emballages alimentaires ou les films plastiques. De nombreuses études les relient à des anomalies du développement génital, à une baisse de la fertilité et à des troubles métaboliques.

Quant aux microplastiques — ces particules invisibles issues de la dégradation des plastiques ou libérées par les vêtements synthétiques — on les retrouve désormais dans l’eau, l’air, le sel, les poissons, le sang… Oui, dans notre sang. Leur effet exact sur la santé humaine reste à élucider, mais leur omniprésence inquiète les chercheurs du monde entier.

Quels risques concrets pour la santé des femmes et des enfants ?

Les études sont claires : les femmes et les enfants sont les plus vulnérables. Pourquoi ? Parce que le système hormonal féminin est plus sensible aux perturbations, notamment pendant la grossesse, l’allaitement, la puberté ou la ménopause. Et parce que les enfants, en pleine croissance, absorbent plus de substances au kilo de poids corporel que les adultes.

Chez les filles, on observe une hausse des cas de puberté précoce, parfois dès l’âge de 6 ans. Chez les garçons, une baisse de la qualité du sperme dès l’adolescence est documentée dans plusieurs pays. Chez les femmes, certaines études suggèrent un lien entre exposition chronique au BPA/phtalates et endométriose, cancers hormonodépendants (sein, ovaire) ou syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Et ces substances sont désormais soupçonnées d’agir aussi sur le métabolisme (prise de poids, diabète), le système nerveux (TDAH, autisme), et même le développement fœtal.

Comment limiter les plastiques toxiques dans son quotidien ?

La bonne nouvelle ? Sans tomber dans la paranoïa, il existe des gestes simples et efficaces pour réduire son exposition. Voici nos essentiels, testés et approuvés :

  • Contenants alimentaires : privilégiez le verre, l’inox ou la céramique. Ne réchauffez jamais de plat au micro-ondes dans un contenant plastique (même “sans BPA”).
  • Bouteilles d’eau : optez pour une gourde en inox ou un filtre à charbon + carafe, et évitez de stocker vos bouteilles plastiques au chaud (dans la voiture, par exemple).
  • Tickets de caisse : refusez-les si possible, surtout enceinte. Ils contiennent souvent du bisphénol S.
  • Cosmétiques et soins : lisez les étiquettes, évitez les “parfum”, “PEG”, “ethylhexyl…” et privilégiez les produits labellisés sans perturbateurs endocriniens.
  • Jouets et accessoires bébé : évitez les plastiques souples non identifiés, optez pour des marques transparentes et labellisées. Le bois brut, c’est joli et sûr.

Et surtout : ne culpabilisez pas si vous ne faites pas tout d’un coup. L’essentiel, c’est de prendre conscience… et de commencer quelque part.

Faut-il boycotter totalement les plastiques ?

La réponse honnête ? Non. Mais il faut faire le tri. Le plastique a encore son utilité — dans le médical, dans le transport, dans des usages industriels. Mais dans notre quotidien, **on peut en éliminer une bonne partie sans rien perdre en confort**. Il ne s’agit pas de revenir à l’âge de pierre, mais d’avancer en conscience.

Ce n’est pas une révolution : c’est une transition douce, guidée par l’envie de se sentir mieux, d’agir pour ses enfants et sa planète, sans tomber dans l’extrémisme. Et plus les consommatrices s’emparent du sujet, plus les marques s’adaptent. À nous de montrer la voie.

Conclusion : s’informer, choisir, agir

Le plastique n’est pas notre ennemi juré. Mais il doit retrouver sa juste place. Trop longtemps, on a fermé les yeux sur ses effets invisibles, croyant que ce qu’on ne voit pas ne pouvait pas nous nuire. Or, c’est justement ce qui nous échappe — ces particules, ces doses infimes — qui peut faire la différence sur notre santé à long terme.

En tant que femmes, mères, consommatrices, nous avons un vrai pouvoir. Refuser certains produits, poser des questions, lire les étiquettes, changer nos habitudes une par une… c’est peut-être minuscule à l’échelle d’un supermarché, mais immense à l’échelle d’une génération. Et si, au fond, la santé commençait simplement par un tupperware en verre ?

FAQ – Ce que vous vous demandez (vraiment)

Le BPA est-il interdit en France ?

Oui, dans les contenants alimentaires depuis 2015. Mais il reste présent ailleurs : papiers thermiques, appareils électroniques, plastiques recyclés… Restez vigilante.

Le plastique des jouets est-il dangereux ?

Pas tous. Recherchez la mention “sans phtalates” et évitez les jouets souples et odorants non labellisés, surtout pour les enfants en bas âge.

Que signifient les codes sur les emballages plastiques ?

Sur les emballages, les petits triangles avec des chiffres indiquent la nature du plastique. Évitez ceux marqués 3 (PVC), 6 (polystyrène) et 7 (autres — souvent BPA). Préférez 1, 2, 4 ou 5.

Le plastique recyclé est-il plus sûr ?

Pas forcément. Il peut contenir des traces de BPA ou de phtalates issus des produits d’origine. C’est un bon geste pour la planète, mais pas toujours pour la santé.

Comment faire pour les plats préparés ou les barquettes ?

Transvasez-les dans une assiette avant de les chauffer. Évitez de les stocker trop longtemps. Mieux : cuisinez maison dès que possible avec des contenants durables.